Héritage militaire de l'Ordre de Saint Lazare de Jérusalem

Il est important, et d’autant plus aujourd’hui où il est facile d’en oublier ou d’en sous-estimer la portée, de considérer avec attention le qualificatif Militaire qui constitue l’une des deux composantes du nom de l’Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem, comme celui de l’Ordre de Saint-Jean d’ailleurs et aux mêmes motifs. En effet, ce nom, ce qualificatif traduit une dimension de son être, de son objet, de son action. En un mot de sa vocation, spirituellement et séculièrement entendue.

La nature militaire de l’Ordre

L’Ordre fut monastique de sa fondation jusqu’à ce que le Pape Clément XIV prononce le caractère laïc des Ordres unis de Saint-Lazare de Jérusalem et de Notre Dame du Mont Carmel en 1772. Les membres de l’Ordre sont, depuis lors, des laïcs au sens ecclésial du terme : des chrétiens qui ne sont ni moines ou moniales ni ordonnés, à l’exception des chapelains, bien évidemment.

 

  • L’Ordre est hospitalier : c’est l’objet initial de sa fondation ; il l’a toujours été et il le demeure, même si l’Ordre n’est plus immédiatement en charge d’hôpitaux et de léproseries.
  • L’Ordre est militaire depuis la première croisade, sous l’impulsion de Frère Gérard, premier Grand Maître de l’Ordre de Saint Lazare et de celui de Saint-Jean et ce caractère définit la spécificité de sa nature en tant qu’il incarne l’un des trois éléments composant sa triple vocation : spirituelle, hospitalière et chevaleresque.

Cette nature militaire est inscrite dans son nom et, si je puis dire, dans son ADN historique depuis les Croisades. Aussi, ne faut-il jamais la perdre de vue au prétexte des conditions contemporaines qui en ont supprimé l’immédiat et concret exercice.
Certes, la modalité d’expression de cet état et de cette vocation militaires a changé depuis la création de la puissance étatique impériale puis républicaine en France depuis le XIXème siècle et selon l’évolution historique des autres pays où l’Ordre est présent. En tout état de cause, celui-ci n’est plus en droit ni en capacité, aujourd’hui, de mener directement des opérations militaires au sens juridique du terme.

 

Mais cela ne signifie nullement que ce qualificatif subsiste seulement comme un pieux souvenir ; comme une sorte d’hommage à ce qu’il fut, une respectueuse ou nostalgique survivance dénuée de toute réalité objective et donc, en quelque manière, une appellation abusive ou qui prête à sourire.Bien au contraire, ce nom, ce qualificatif est d’une réalité pérenne et tout aussi justifiée aujourd’hui car il exprime une réalité qui, pour avoir changé de modalité, n’a pas changé de nature. Quiconque entre dans l’Ordre doit s’en pénétrer, l’assumer et s’y conformer.  Avec la dimension spirituelle, autrement dit l’approfondissement de la foi chrétienne, en particulier grâce à l’accompagnement de ses membres par les chapelains de l’Ordre, ce caractère militaire est ce qui fonde et exprime la différence entre un Ordre chevaleresque et un club service comme le Lion’s et le Rotary, par exemple ou des associations caritatives comme la Croix Rouge et d’autres.

 

Cette dimension militaire propre à l’Ordre doit être, de nos jours, manifestée en son esprit constitutif autrement dit en son principe, tel que nous allons en rappeler l’essentiel, par les membres de l’Ordre à la fois dans le quotidien de leur vie et dans les activités spécifiquement liées à leur engagement au service de l’Ordre ; par leur adhésion plénière à ces valeurs chevaleresques qui imprègnent l’action militaire juste et légitime de tout vrai soldat et de toute unité combattante digne de ce nom, aujourd’hui comme hier.

 

Quelles sont ces valeurs, ces vertus à proprement parler ?
Courage, discipline, abnégation, ténacité dans l’accomplissement des missions confiées, résilience face aux épreuves, respect des hommes, fidélité aux promesses des engagements contractés librement, pour ne citer qu’elles et qu’en termes chevaleresques l’on peut concentrer dans le triptyque : honneur, prouesse et courtoisie (ce dernier terme entendu dans un sens plus profond que la simple bonne éducation car il exprime une dimension véritablement spirituelle). Le comportement général des membres de Saint Lazare doit répondre à cette exigence qui fait la marque du soldat, sa noblesse et l’une des constituantes intrinsèques d’un Ordre de Chevalerie. Ce comportement ou plus exactement ce maintien à tous les sens du terme, doit ainsi générer une attitude dynamique, autrement dit volontaire, à travers la réactivité et la proactivité de chacun dans le cadre du respect de la hiérarchie, lui-même inscrit dans la confiance et l’amitié partagées mais qui exclut cependant tout relâchement et toute familiarité.

L’épée : signe de l’état chevaleresque

Avec les éperons dorés, l’épée est l’un des symboles majeurs de la chevalerie et le port de l’épée a toujours été le privilège du gentilhomme, en principe voué au service des armes. Les chevaliers de l’Ordre reçoivent cet insigne honneur de la porter au côté lorsqu’ils sont en uniforme. De ce fait, ils contractent la double obligation de garder à l’esprit ce dont cette épée est le symbole et de savoir la manier avec un minimum de connaissance des usages militaires. C’est un respect essentiel que l’on doit envers cette arme autant matérielle que spirituelle et, à travers elle, à ceux qui, en des temps pas si lointains, ont combattu et sont morts, l’épée (ou le sabre) à la main.

En notre aujourd’hui

La mise en pratique des vertus militaires que nous venons d’évoquer doit être le permanent vouloir et l’indéfectible enracinement de chaque membre de l’Ordre, homme et femme, Chevalier et Dame. C’est ainsi seulement que se mérite, aux  yeux du Seigneur, l’état chevaleresque. Il est impératif d’en saisir et d’en vivre l’esprit qui anime ces vertus par-delà les  modalités de leur exercice temporel au cours des siècles. De sorte que chacun puisse vis-à-vis des tiers, de sa hiérarchie, de ses confrères et consœurs, répondre à ce qui lui est demandé pour le bien de l’Ordre comme pour celui du prochain, en parfaite application de ces vertus et valeurs dont il a juré de donner l’exemple. Les militaires de carrière (d’active ou honoraires), les réservistes, les anciens appelés notamment ceux ayant « fait le peloton » ont naturellement une expérience de cet état d’esprit, de cette exigence particulière ; il importe que ceux que les circonstances de la vie ont tenus éloignés du monde combattant s’imprègnent à leur contact et surtout à leur exemple de ce savoir être.

 

D’ailleurs, la profession de ces valeurs n’est pas éloignée de ce qui est exigé de quiconque pour « faire ce que doit » comme l’énonce l’adage médiéval. Mais à cette différence notable que le militaire se conforme toujours à celles-ci, hier comme aujourd’hui, au risque de sa vie et de son intégrité physique. Il n’est peut-être pas à exclure que les évènements de l’Histoire, un jour, ne placent les membres de l’Ordre dans une telle situation et il leur faudra se souvenir de leur serment.


A cette condition essentielle que chacun en comprenne la nature exigeante et entende de tout cœur s’y conformer, la mention d’Ordre Militaire est et demeurera signifiante et justifiée, quelles que soient les conditions sociétales et historiques dans lesquelles celui-ci se trouve. Il nous appartient donc à tous, dans notre démarche individuelle comme dans notre action collective, de faire vivre et d’honorer cette qualité d’Ordre Militaire en mémoire et sous le regard tutélaire de nos anciens qui furent, en leur temps, des forces combattantes d’élite ; d’authentiques soldats et de preux chevaliers.